A la recherche de pistes...

Ma première tentative pour retrouver le réseau Iris ne s’était pas avérée très fructueuse. J’errais désormais dans les rues du quartier piéton ; la bagarre dans l’Akuda bar n’était d’ailleurs certainement pas terminée à l’heure actuelle. Aussi décidai-je au début de me tourner vers la zone proche du parking. Mais regarder les véhicules passer ne m’avançait guère. Et puis cette partie du quartier n’était pas très peuplée. Il fallait faire quelques mètres de plus pour tomber sur des endroits déjà plus intéressants du quartier piéton avec, en premier lieu, un vendeur Aquilus sapiens tenant un stand de ce qui semblait être de journaux, ou du moins d’informations numérique.

Tout de suite à droite, se trouver le centre-ville du quartier piéton. Pas très grand, il était néanmoins très animé. En passant par le pont, on rejoignait de nouveau l’Akuda bar. En dessous se trouvait un marchand de produits de nécessité, une boutique aux allures Orientales se tenait un peu plus loin également avec sur sa gauche une zone sécurisée par les sections.

Mais Hyllis n’avait plus grand’ chose à voir avec ce qu’elle était auparavant. Les différentes publicités avaient fait place aux affiches de propagande. Le message vidéo du général Kehck défilait inlassablement et en boucle, émis depuis un lieu mystérieux. Cette planète perdait de plus en plus de sa liberté, et la gouverneure générale ne faisait rien. Il semblait qu’elle avait une confiance totalement aveugle envers les sections Alpha. Ces dernières défilaient glorieusement et vaillamment sous leurs étendards. Il était vrai que les sections Alpha avaient réussi à virer les DomZ de certains systèmes, mais je ne pouvais l’accepter. Les sections Alpha étaient très intéressées par ces envahisseurs… et pas seulement pour gagner cette guerre. Non, quelque chose de plus profond, de plus obscure se tramait là-dessous ! Plus que persuadé, c’était une certitude qui était née en moi.

Il fallait que je me calme. Mes poings s’étaient serrés machinalement. Entendre cet homme déblatérer des idéaux militaire ainsi, ou même rien que le fait d’y penser, me révoltait au plus haut point. Notre victoire sur les DomZ ne dépendrait que de notre faculté à les connaître, pas à s’en servir comme ces idiots des sections le voulaient.

Je réfléchis. Il fallait attraper un maximum d’informations sur le réseau Iris. Malheureusement, peu de personnes en parlaient. Ils agissaient dans l’ombre et les personnes en parlant étaient accusées de trahison et de terrorisme. Aussi, chaque mot que je disais pouvait être utilisé contre moi… et ce ne serait pas derrière des barreaux que je pourrais faire quoi que ce soit pour mes compatriotes.
Tout d’abord, il me fallait une personne de confiance. Problème ? Je n’en connaissais aucune. "A moins de faire appel à un professionnel… Quelqu’un de très silencieux…" Pensais-je. Un détective ? Pourquoi pas ? Mais où en trouver un ?...
Je continuais à vagabonder dans les rues du quartier piéton, songeant à cette idée. Lorsque je passai de nouveau devant l’étalage de ce vendeur de journaux… Ce fut l’illumination ! Le réseau IRIS utilisait la technologie numérique afin de faire leur propagande sur leurs nouveaux numéros. Il était fort possible que cet homme en sache plus.


Après avoir attendu mon tour derrière une femme étrange avec un bandeau vert, un S-A-C et un étrange bâton dans le dos, ce fut enfin à moi. D’une voix basse, je me fis comprendre :
"Bonjour. Voilà, j’aimerais savoir si vous savez comment je pourrais avoir des informations à propos du… … du réseau IRIS… Je cherche également à avoir des suivis en direct de ce dernier et j’aimerais savoir si vous pouviez me fournir ce que je recherche ou à défaut me donner des indications."
J’espérais juste que ce vendeur ne soit pas pro-sections Alpha. Dans ce cas-là, j’aurais été très mal parti et aurait eu fort à faire. La garde Hyllienne omniprésente n’était pas complètement pour les sections Alpha, mais elle en était l’allié en tout cas, ce qui faisait d’elle un ennemi potentiel. Il fallait faire attention à TOUT ce que l’on disait en ces jours aussi me retournais-je pour m’assurer que personne ne m’avait entendu et me penchai-je vers lui afin que seul cet Aquilus sapiens puisse m’entendre.
Mais en tout cas, une chose était sûre rien qu’en regardant l’énergumène devant moi : il n’était pas très futé, ce qui signifiait qu’il pouvait aisément me créer des ennuis. Mais de toute façon c’était trop tard, les dés étaient jetés…

Le vendeur me regarda étrangement, comme s’il essayait de me scruter ; à moins que ce ne soit son regard hagard et habituel. Cet homme sentait l’intelligence à plein nez, au moins autant que je sentais l’ironie. Au bout d’un moment de silence qui me sembla durer trop longtemps pour être discret dans ce quartier piéton, et ce sans le moindre complexe, il se redressa avant de déclarer à haute voix : "Il y a L’officiel d’Hyllis et l'IRIS-flash ! Tu veux quoi ?". La façon dont il venait de dire cela, de manière nonchalante alors même que le seul mot "IRIS" était presque prohibé, me choqua tellement que j’en restai patois. Mais pourtant il était bien naturel !

Je regardai une nouvelle fois autour de moi afin de m’assurer que personne ne m’avait entendu. Cela ne semblait être le cas où alors ces personnes se faisaient discrètes. De nouveau, bien que plus hésitant cette fois-ci, je me rapprochai de "manière plus intime" et continuai à parler à voix basse. Je demandai donc un double abonnement. Cela ne pouvait être que dans mon intérêt. Tandis qu’Iris-flash était anti-sections Alpha, L’officiel d’Hyllis, lui par contre, était expressément pro-sections et manifestait un rejet total du journal d’IRIS.

Ma petit affaire résolue et une fois abonné pour pas un rond par cet Aquilus sapiens, je me remis en quête du q.g. du réseau, ma petite aventure ne m’ayant pas beaucoup aidé dans ma mission initiale…

A peine parti de chez ce vendeur, je reçus conjointement un mail d'IRIS-Flash et d'Officiel d'Hyllis. Il était par ailleurs "amusant" de recevoir, presque en même temps, les mails de deux journaux rivaux. Je les lus au coin d'une rue avant de retourner vers la place centrale du quartier piéton.
Le vendeur (ou la vendeuse d'ailleurs, je ne saurai trop le dire) était toujours là, mettant bien en vue, dans son établi, une perle d'Aramis. Les perles d'Aramis étaient INTERDITES par le gouvernement. La gouverneur elle-même en avait fait une affaire personnelle. Considérées comme une monnaie au marché noir, elles handicapaient l'économie locale et permettait à des receleurs sans scrupules de se les approprier, parfois sur le dos de pauvres hommes et femmes prêts à n'importe quoi pour se les approprier. Et quand je dis "n'importe quoi", cela incluait également le fait de mettre sa vie en jeu. Le Garage Mamago était d'ailleurs hautement suspecté d'en faire usage...

Mais voilà. Entre temps, la guerre s'était installée sur notre paisible planète, et beaucoup de gens n'avaient plus que ça pour vivre. Les receleurs faisaient preuve d'une encore plus grande cruauté voyant la détresse des gens dans le besoin. Avec l'économie de guerre mise en place, ces perles avaient pris une valeur folle !
Quelques études (auxquelles j'étais étranger) au centre faisait mention d'une origine DomZ à ces pierres. Je n'en savais pas plus si ce n'est que certains pensaient qu'elles étaient nécessaires à la (sur)vie des DomZ.

Toutes ces causes avaient eu pour effet sur moi de changer mon avis sur ces perles. Certes, je ne les appréciais guère. Mais elles étaient désormais le seul moyen pour certaines familles de subsister... De plus, elles permettaient de nuire à l'économie du gouvernement et donc, par extension, à celle des Sections Alpha qui n'hésitaient certainement pas à pomper l'argent de la planète pour pouvoir avoir assez de ressources pour leur soi-disant "effort de guerre". Enfin, si ces perles étaient effectivement vitales pour les DomZ, il était de notre devoir de les conserver !
Comme quoi, une idéologie peut vite changer...

Les gardes d'Hyllis la voyaient cette perle, cela ne faisait aucun doute. Pourtant, ils restaient là, impassibles. Peut-être cela ne relevait-il pas de leur juridiction ? Ou bien mieux encore, la garde d'Hyllis était là pour protéger les citoyens, donc leurs intérêts et donc, par extension, les laisser vendre de la monnaie noire. Peut-être étaient-ils anti-Sections Alpha même ? Qui savait ?...
Je me dirigeai vers une enseigne fortement illuminée du nom de "Boutique Ming-Tzu". J'y entrais doucement me faisant une idée de ce que cela pouvait être. Une étrange musique, d'une grande quiétude, résonna en mon moi intérieur et, automatiquement, je me sentis tout de suite à mon aise dans cette étrange boutique. Aussi finissais-je d'y entrer normalement. Une lumière rouge dominait la pièce et venait s'accorder avec cette musique Orientale. Un Walrus sapiens (en tenue tout aussi Orientale) tenait la boutique. Certainement ce "Ming-Tzu". Je le saluais d'un hochement de tête accompagné d'un discret "Bonjour..." avant d'aller voir ce qu'il vendait.
Deux choses me frappèrent. D'abord ses marchandises : d'étranges gadgets tels que des détecteurs d'animaux ou même, des détecteurs de perles (normalement réservé au gouvernement !) ! Ce Ming-Tzu (si tel était bien son nom) faisait dans l'illégalité la plus totale lui aussi. Il y avait par ailleurs des perles en ventes également, ainsi que d'autres étranges objets et gadgets.
La seconde chose qui me frappa fut ses pris. Ce marchand était horriblement cher ! Je ne viendrai probablement jamais acheter ici quoi que ce soit... Surtout que je ne voyais pas vraiment quelle utilité j'aurais pu trouver à tous ses trucs...

Finalement, toujours anxieux de découvrir le q.g. secret d'IRIS, je décidai d'aller lui parler. Il ne m'inspirait pas vraiment confiance mais... ce visage... aussi souriant... il vous incitait à vous confier à lui, et ce même s'il appellerait l'armée régulière dans votre dos.
Malgré ma petite et indiscernable hésitation, je me permis donc de lui dire la phrase fatidique..; :

"A l'abri dans sa coquille, la perle est l'esclave des courants."

"Vous vous intéressez aux haïkus ? J'en ai justement une collection par-ici."
Voilà ce que me répondit le gérant de la boutique. Une phrase bien étrange... D'ailleurs, je ne comprenais pas ce que venaient faire ces "haïkus" dans tout ça. Et puis d'abord... c'était quoi des haïkus ?

Le décor sur ma gauche bascula et Ming-Tzu (si tel était bien son nom) me fit un discret signe respectueux de la main, m'incitant ainsi à entrer. Je m'exécutai et me retrouvai dans une étroite pièce. Au fond de celle-ci, de nouveau, un mur pivota, laissant apparaître une rangée de m-disks. Je m'approchai de ces stockeurs d'informations et en prit un. Alors que j'allais demandé au Walrus sapiens ce que tout cela signifiait, j'aperçus, gravé sur le disque entre mes doigts, marqué sur le vernis "IRIS 510". Je ne dis mot. Une interpellation avec ce genre de m-disk sur soi ou bien la découverte dans une boutique de ces derniers étaient passible d'une arrestation immédiate et d'une peine de prison lourde. Les faits reprochés ? Port de données illégales, promotion du terrorisme, ennemi de la nation et d'autres accusations farouches et injustes décidées par les Sections Alpha.


Silencieusement, je me retournai, le nez toujours planté sur ce reportage illégal. Ce n'est qu'en relevant mes yeux que je vis, de l'autre côté de la pièce, non loin de l'endroit par lequel j'étais entré, un lecteur de m-disk. Ni une, ni deux, j'inserrai l'objet dans ma main dans la fente du elcteur prévu à cet effet.

...

Après le visionnage (qui ne dura que quelques minutes), je restai immobile sur place. Ces informations, au final, ne m'étonnaient guère... mais que d'autres personnes aient fait un reportage (au prix de leurs vies peut-être !) pour nous donner le droit à de VRAIES informations, et non pas à de la simple propagande militaire, me fit comprendre qu'il y avait encore un espoir de sauver Hyllis ! Mais quelles nouvelles sensationnelles !
Le reportage était signé d'un certain Double H. Les théoriciens du complot auraient adoré se le mettre sous la dent lui et ses infos reccueillies ! Plusieurs idées et pistes tendaient à montrer que des citoyens d'Hyllis disparaissaient... Ces disparitions survenaient lorsque les DomZ se trouvaient à proximité, voire sur la planète. Pire encore, les Sections Alpha semblaient ne rien pouvoir faire face aux attaques DomZ, arrivant toujours trop tard, et ne pouvant empêcher la disparition (au sens propre du terme) d'Hylliens.
Non, définitivement, quelque chose clochait. Que les Sections Alpha s'intéressent de très près aux DomZ, je le conçois. Qu'il faille les arrêter car il me semblait clair qu'avec les avancées du Centre, ils pourraient contrôler les DomZ et donc nous contrôler nous, cela me paraissait évident... Mais que les Sections Alpha soient complices des DomZ... !?! Jamais cette idée ne m'avait encore traversé l'esprit ! C'était inconcevable !... Et pourtant, le puzzle se remplissait au fur et à mesure que l'on retrouvait des pièces disparues sous le canapé. Ceux qui empêchaient de rendre les rapports du Centre publics, ceux qui dirigeaient nos supérieurs, ceux qui exigeaient telle ou telle expérience. Et s'il s'agissait des Sections Alpha ?
Ce qui me paraissait n'être qu'une vulgaire théorie du complot il y a encore minutes me semblait désormais une vérité absolue ! Et mon envie de retrouver le réseau IRIS n'en était que plus grande !

Je me tournai vers Ming-Tzu et lui fit comprendre que tout cela bien sûr, resterait entre nous. Je pense qu'il m'a cru à en juger par la façon dont il me fit confiance. Peut-être mes émotions me trahissaient-elles ?
"Où puis-je trouver le réseau IRIS ?
_A l'Akuda bar...
_Mais... J'y suis déjà allé et je n'ai rien trouvé !
_Peut-être n'avez-vous pas cherché en profondeur ou bien... ne vous êtes-vous pas adressé à la bonne personne ? Il est d'ailleurs inutile de voir pour comprendre...
_Qu'est-ce que cela signifie ?"
Mais déjà Ming-Tzu repartait derrière son comptoir, bras croisés, mains dans ses manches. Je le suivis de l'autre côté, lui demandant de clarifier sa dernière phrase. Mais j'eu juste droit à un : "Soit vous achetez, soit vous partez..."
A contre-cœur et comprenant qu'il valait mieux pour nous deux que je ne trainasse pas trop dans sa boutique afin de ne pas éveiller d'éventuels soupçons, je sortis, sachant désormais où je devais aller (mais toujours pas à qui je devrais parler, malheureusement...). Je jettai un dernier regard, fasciné que je l'étais, sur le magnifique specimen de Koï kumonryu que je n'avais vu en entrant. Ma déformation professionelle en tant que biologiste m'incita à rester... mais mon désir de trouver le réseau était plus fort.

Et puis de toute façon, quelque chose me dit que je reverrai ce Ming-Tzu un jour...